Que ce soit à la radio ou à la télévision, Nikos Aliagas est depuis plus de trente ans une figure bien connue des médias dans le monde francophone. Mais derrière le prisme de sa notoriété, l’homme est aussi photographe, une passion qu’il exerce depuis l’enfance comme une quête de sens sans cesse renouvelée dans son parcours personnel et professionnel.
Nikos Aliagas, fils d’Andréas et de Haroula est né à Paris dans le Xe arrondissement de la capitale le 13 mai 1969, fils de tailleur, il grandit dans une famille d’artisans grecs où les traditions orales et écrites helléniques jouent un rôle déterminant sur le regard qu’il porte sur le monde. Un aller-retour permanent entre deux cultures, la langue de Molière le nourrit sur les bancs de la faculté de la Sorbonne, la langue d’Homère consolide son héritage culturel familial. Deux mondes qui se complètent et qui développent son imaginaire.
Avant de réaliser des images, Nikos Aliagas les imagine. Enfant rêveur, il observe son quotidien et enregistre des milliers de clichés virtuels dans son esprit. Se souvenir de ce qui passe et qui ne sera plus devient alors un mode de vie et de fait, son expérience du visible s’attache à l’éphémère et au fragile. Lorsque dans les années soixante-dix son père lui offre un Kodak instamatic, il réalise la puissance de « cette boite à véhiculer des apparences » (John Berger) et tente se saisir le sens du cadre et de la situation. Au fils des années, ce qui apparaît et qui disparaît aussi vite que l’ombre et la lumière le subjugue et l’invite à une réflexion sur la temporalité de l’image. Dans son premier manifeste photographique « L’épreuve du temps » (2017) il recherche ce qui résiste au temps, que ce soit sur les colonnes d’un temple millénaire, sur les mains d’un sculpteur ou sur le visage usé d’un ancien, ridé comme un parchemin. La puissance du moment saisi appartient déjà au passé pourtant sa vibration est toujours manifeste.
Parmi ses thèmes de prédilection la Grèce et les peuples de la mer, l’enfance, la vieillesse, les voyages, les âmes nomades, le sacré, les travailleurs de la terre, la nostalgie du retour (Le spleen d’Ulysse), les artisans ou encore les artistes. Pour Nikos Aliagas, une image fait écho à une lointaine réminiscence, un lien qui confère à la vision un caractère mystérieux. Ce qui est ainsi révélé dans le cadre agit comme une reconnaissance. C’est peut-être pour cette raison que ses photographies d’artistes ou de gens célèbres semblent exprimer une humanité plus fragile que leur posture publique. « Je ne fais que témoigner de ce que je ressens dans l’instant » dit-il en rappelant qu’« un cliché est d’abord un témoignage, chacun transpose la vérité qu’il veut. La photo ne juge pas, c’est l’homme qui jauge. Je ne suis que le passeur… ».
Un passeur de lumière devant ou derrière l’objectif, un intermédiaire qui par son regard « donne une raison à tout ce qui l’entoure » (André Kertész). Le noir et blanc est sa signature, il est puissant, contrasté, piqué « car il ne garde que l’essentiel et propose un espace-temps ou le futile n’a pas sa place ».
Les photographes humanistes l’ont inspiré dès sa jeunesse, Sabine Weiss, Irving Penn, Henri Cartier-Bresson, Willy Ronis, Josef Koudelka ou encore Sebastião Salgado font partie du sacro-saint de ses références. A travers ses images, Nikos Aliagas choisit le chemin d’une parole intime et intérieure, empreinte d’humanité et de respect de l’autre.