48h à Genève

Gare Genève-Cornavin, Genève.

2018

« 48 heures à Genève » une carte blanche à Nikos Aliagas, exposé dans le grand hall de la gare Cornavin du 15 au 21 mars 2018. Pendant deux jours le photographe est allé à la rencontre d’un autre visage de la cité de Calvin.

« J’ai une chanson de Nick Cave dans la tête quand j’arrive à Genève, une mélodie envoûtante et langoureuse, un refrain qui parle d’un pacte ancestral passé avec le diable et d’un blues qui colle à la peau, « Can you feel my heartbeat ? » murmure le chanteur dans mes oreilles lorsque j’entre dans la gare de Genève-Cornavin. La pulsation de la ville est toujours étrangement calme aux premiers abords, toujours entre deux mondes : d’être et de paraître, de silence et de mouvement. J’observe les visages, j’essaie d’y déceler un instantané, un cliché révélateur qui pourrait dévoiler l’essence de la cité. Toutes les villes gardent des secrets, Genève plus que d’autres, ses richesses ne sont pas nécessairement là où l’on croit. Le lac est taiseux mais il sait. Ici le temps est roi, on le compte, on le décompte, on le découpe en tranches pour qu’il ne s’échappe pas, on le transfère, on le fructifie, on le confine dans un cadran serti de pierres précieuses.

Pour connaître une ville, il faut y renaître, ne serait-ce qu’un instant, comprendre ses silences et ses paradoxes, déceler dans les regards furtifs la douce mélancolie de ceux qui observent les crêtes enneigées des montagnes dans leur rétroviseur. J’ai toujours cette étrange impression que quelqu’un me fixe depuis mon arrivée, Nick Cave ne m’a pas quitté « Can’t remember anything at all » répète-t-il de façon presque obsessionnelle. Je ne veux rien oublier du visage de la petite fille syrienne chassée de son propre pays, aux doigts gantés de latex de l’horloger, des gamins qui s’envolent sur leur skate au livreur courageux de la banque alimentaire. C’est ce que j’ai ressenti pendant 48 heures à Genève, des émotions brutes, sans artifices, sans prétention et sans imposture.

A vous qui êtes de passage dans cette gare, voici quelques modestes images de lieux et de personnes croisées un peu par hasard, un peu par curiosité. Vos yeux en imprimeront d’autres aujourd’hui, ne gardez que celles qui vous rendent heureux. Au-delà des clichés, seul l’être humain donne vie à une ville. Et souvenez-vous de ce qu’écrivait le poète et écrivain argentin Jorge Luis Borges « De toutes les villes du monde, de toutes les patries intimes qu’un homme cherche à mériter au cours de ses voyages, Genève me semble la plus propice au bonheur. »

Nikos Aliagas