Mémoires de mains

Galerie Guillaume, Paris.

2016

« Mémoires de mains », exposition de Nikos Aliagas àla Galerie Guillaume à Paris du 21 au 24 septembre 2016, en collaboration avec la maison de couture Dormeuil.

« D’aussi loin que je me souvienne, l’une de mes premières sensations fut une caresse sur un tissu de laine fine. Dans la pénombre de son petit atelier, mon père traçait de longues courbes avec sa craie de tailleur avant de trancher des lamelles de tissu soyeux. J’ai grandi avec le bruit des ciseaux, le froissement de l’alpaga, le chuchotement du fil et de l’aiguille, les vapeurs du fer à repasser. Je fabriquais mes jouets à partir de chutes de tissus, de lisières imprimées, de coudes en en alcantara, de cols de chemise, de boutons en nacre, de patrons de couture cartonnés, de fermetures éclair et de porte aiguilles en velours. C’est dans ce microcosme que j’ai fait mes premiers pas de petit bonhomme, c’est dans cet environnement, entouré des miens, que chaque soir je récitais mes devoirs sous la machine à coudre de mon père. Mes parents étaient des artisans, des artistes de l’ombre, ils ont passé leur vie à confectionner des vêtements de lumière souvent pour d’autres artistes, ceux renaissent chaque soir sous les feux de la rampe. J’ai été élevé par ces « petites mains, courageuses et silencieuses.

Ma rencontre avec la maison Dormeuil n’était donc pas fortuite. Dès la première minute j’ai eu comme une sensation de retrouvailles, de revenir en quelque sorte à la maison. Je connaissais la marque depuis toujours puisque mon père réalisait souvent ses costumes à partir de ces laines de grande qualité. C’est donc naturellement que j’ai porté l’habit comme la continuité de ce que je suis et ce que je ressens. Ce qui fait à mon sens l’authenticité et la puissance d’un vêtement, aussi discrètement que surement. Tout ce qui ne voit pas d’un premier coup d’œil me fascine. L’art manuel suggère l’excellence, il ne cherche pas à la vendre à tout prix, le travail fait avec les mains, n’a pas de prix. Au fond, il ne s’achète pas, il se respecte. L’ouvrage est plus important que le paquet cadeau. Photographier cet univers de savoir-faire et de transmission, comme un retour à l’enfance, a été un moment de plénitude et d’alignement. »

Nikos Aliagas