Le frémissement
du silence sacré

16 avril 2024

J’attends un signe du Kairos dans le cadre qui s’offre à mes yeux. 

D’abord le silence, puis la lumière, hiératique et mystérieuse. Ce jour-là à Olympie, la clarté émise par le soleil était presque irréelle, le décor naturel du temple d’Héra semblait appartenir à un autre espace-temps, probablement que les vestiges de l’antiquité qui se tenaient face à nous dans leur dignité la plus dépouillée y étaient pour quelque chose. Pourtant lorsque la grande prêtresse s’adressant à Apollon demanda « le silence sacré », il se passa quelque chose de magique, une sensation de plénitude et de sérénité m’envahit. « Apollon, dieu du soleil et de l’idée de la lumière, envoie tes rayons et allume la torche sacrée » dit lentement la vestale, visage levé vers le ciel. Un frisson parcouru mon corps, les mots de « l’idée de la lumière » firent l’effet d’une décharge. Et si la lumière était une idée avant d’être une réalité ? Tant sur le plan symbolique, allégorique ou encore scientifique. Qu’avaient-donc perçu nos ancêtres les Grecs lorsqu’ils évoquaient la lumière comme une idée ? Étymologiquement le mot « idée » vient du terme ιδέα, (ἰδεῖν) qui signifie l’apparence ou ce qui paraît être, il est donc naturellement relié à la vision. La lumière (en grec Φώς que l’on retrouve dans photographie, l’écriture de la lumière) est aussi synonyme de connaissance dans le mythe de la caverne de Platon, « l’idée de lumière » est donc la rencontre empirique entre la vision et ce qui permet de la projeter. Un idéal en somme (même étymologie) qui ne nous relie pas coûte que coûte à une définition de la vérité mais à ce que nos sens voient et transmettent. L’idée est image, à la fois intérieure et extérieure, latente et manifeste, une vision archétypale personnelle qui nous invite à revenir à la source. N’est-ce-pas ici à Olympie que tout a commencé il y a 2800 ans ? « Le soleil est jeune chaque jour » dit Héraclite et en ce jour de répétition de la cérémonie de l’allumage de la flamme olympique, le temps semble marquer une pause tout en restant insaisissable ; fuyant comme l’image photographique qui imprime l’instant qui n’est déjà plus. « Le temps fait son travail et moi je fais le miens » disait mon père, j’ai sa voix qui murmure dans un coin de l’esprit. Ainsi dans la peau d’un témoin émerveillé par ce décor qui me dépasse et m’aspire dans sa clarté presque (méta)physique, j’observe le ballet entêtant des prêtresses en retenant mon souffle dans le viseur de mon appareil photo. Je n’ai pas de certitudes ni de chemins tracés lorsqu’il s’agit d’appuyer sur le déclencheur, j’attends. J’attends un signe du Kairos dans le cadre qui s’offre à mes yeux, un alignement, une idée de lumière, comme une reconnaissance ou des retrouvailles.